Via Francigena
L’ancien hôpital de Mormant a été implanté sur la Via Francigena au début du second millénaire. Il ne faut donc pas identifier cette Maison-Dieu, fondée à la fin du XIe siècle par Hugues Bardoul II de Broyes-Châteauvillain, seigneur d’ Arc-en-Barrois et autres lieux, avec la voie elle-même qui est bien plus ancienne.
Cette grande voie, qui traverse l’Europe du nord au sud, est très certainement une voie gauloise, requalifiée par la suite en voie romaine, allant de l’Angleterre à Rome de façon directe. Héritier de cette voie antique, le chemin est connu dès le IXe siècle pour le moins sous le nom de Voie des Francs ou Via Francigena et devenu célèbre à partir de cette époque par la description qu’en a faite Sigéric, archevêque de Cantorbéry, en 990 allant chercher son pallium auprès du pape à Rome. C’est le tout premier qui a pris soin de noter les étapes de son voyage qui nous soient parvenues.
Depuis lors, la Via Francigena constitue un important chemin de pèlerinage d’intérêt également militaire et commercial jusqu’au XVIIe siècle, avant de péricliter petit à petit faute d’entretien. Ressuscitée au milieu des années 1980, elle a été classée « itinéraire culturel européen n°1 » en 1994, puis « grand itinéraire culturel du Conseil de l’Europe » en 2004, labellisant ainsi un chemin long de près de 2000 kilomètres, qui peut encore se prolonger jusqu’à Jérusalem grâce au Chemin de Pierre et Paul, long de 3000 kilomètres.
Sur cette voie, la Maison-Dieu de Mormant a été fondée tardivement à l’époque de la première Croisade (1095-1099) par une œuvre pieuse, sur ce grand chemin de pèlerinage. C’est un hôpital-église de chemin placé sous le contrôle spirituel de l’évêque de Langres, confié à une communauté de chanoines sous la règle de Saint Augustin, afin de « recevoir les pèlerins et secourir les pauvres ». Elle n’était donc pas encore construite quand Sigéric se rendit à Rome en 990, comme son itinéraire en témoigne : selon le journal que Sigéric a fait tenir par un scribe de sa suite lors du voyage de retour, sont énumérées les 81 étapes réalisées en trois mois, y compris Rome. Il est parti de Cantorbéry, pour passer ensuite par Douvres, Reims, Châlons-sur-Marne, Bar-sur-Aube, Bricon, Humes, Grenant, Besançon, Lausanne, avant d’entrer en Italie par le Grand Saint-Bernard Aoste, puis Ivrea, Santhià, Vercelli, Pavie point obligé de la traversée du Pô, puis Fidenza, et enfin l’on franchissait les Apennins pour arriver à Rome par Luni, Lucques, Sienne et Viterbe. Ainsi, on voit bien pour ce qui concerne notre seule région, que Sigéric a fait étape à Bar-sur-Aube, puis s’est arrêté ensuite à Bricon (étape de 30,3 kilomètres), puis à Humes (étape de 40,8 kilomètres), puis à Grenant (étape de 29 kilomètres), avant de poursuivre vers l’Italie. Des étapes en terrain plat plus grandes que la moyenne générale (de l’ordre de 20 kilomètres par jour).
Aujourd’hui, la Maison-Dieu de Mormant est idéalement située sur la Via Francigena labellisée « grand itinéraire culturel du Conseil de l’Europe » depuis 2004. Les bâtiments que l’on souhaite voir restaurer pourraient retrouver leur raison-d’être originel, à savoir donner l’hospitalité aux pèlerins en quête d’un accueil chaleureux au milieu de ce vaste plateau désertique. Des pèlerins, estimés à près de 200 personnes en 2018 (chiffre en constante évolution), qui font actuellement étape à la « maison du pèlerin » de Blessonville, inaugurée en 2018, et qui sont à la recherche d’autres hébergements sur ce parcours de plus en plus fréquenté.
Environ 50 000 personnes ont parcouru la Via Francigena en 2022 (contre 40 000 estimés en 2021) avec un séjour moyen de sept jours sur le chemin. Ces marcheurs sont originaires de 40 pays, avec une forte proportion d’Italiens devant les Français et les Américains. 56% sont des hommes.